samedi 6 février 2010

Loin de Chandigarh



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Je sortis la Brother de l'armoire, ôta sa dure carapace noire et nettoyai son corps rouge. Je la descendis dans le bureau inachevé et la posai sur le large rebord de fenêtre en pierre de Jaisalmer. Quand je m'assis devant elle, ses touches noires flottantes se tendirent vers mes doigts.
Je savais désormais qu'il n'existait pas de bibliocachot.
Tout ce qui était écrit sincèrement vivait à jamais.
Chaque mot vrai. Chaque histoire vraie.
Il fallait trouver ses propres mots. Sa propre histoire.
Pas celle du pandit, ni de Pratap, ni d'Abhay.
Ni celle du jeune sikh et de son cheval bien-aimé.
Son histoire propre.
Et la vivre. Et, après l'avoir vécue, l'écrire.
Les touches noires se tendaient vers mes doigts. Un frisson me parcourut. Après si longtemps, mon désir enfla et grandit.
Les bulbuls à joues blanches commencèrent à agiter les chênes.
Le premier aigle de la journée s'élança dans la vastitude de la vallées, flottant sur rien d'autre que sa confiance en soi.
Je glissais une feuille de papier sous le rouleau lisse de la Brother, posai les extrémités frémissantes de mes doigts sur les touches noires et luisantes, et commençai à taper. Les claquements crépitèrent comme des coups de feu...


Loin de Chandigarh de Tajun J Tejpal