dimanche 20 juin 2010

Les Récits d'Ostwand



Soudain une autre faille et le temps qui jusqu'alors s'étirait, curieusement dilaté, se contracte brutalement et tout commence de ce qui doit être dans l'aube pâle et grise. Un ample martèlement se déchaîne, violent, furieux. La mer se creuse sous le souffle de salves ininterrompues qui grondent et partent fracasser la côte tandis que de longs nuages de fumée montent au-dessus des navires, emplissant l'air froid d'une âcre odeur de poudre. « Avec ce qu'ils sont en train de recevoir là-bas, vous n'aurez plus rien à faire », disent les voix qui gueulent inlassablement dans les hauts-parleurs. Elles viennent de très haut, des structures des transports de troupes. Ou peut-être de nulle-part, d'un point indéterminé du temps et de l'espace. Mais elles sont nécessaires, elles rassurent et guident.

Les Récits d'Ostwand d'Eric Meije

dimanche 6 juin 2010

La mort en Perse 1935




Crédit photo


On s'agenouille, à moitié couché, dans le vent. Il en sera toujours ainsi, pense-t-on, toujours. Maman, pense-t-on (comme ce nom aide à pleurer !), il y a quelque chose, tout au début, que j'ai fait de travers. Mais ce n'était pas moi, c'était la vie. Tous les chemins que j'ai suivis, tous ceux que je n'ai pas suivis, aboutissent ici, dans cette « Vallée heureuse » d'où il n'y a plus d'issue, et qui, pour cette raison, doit ressembler au royaume des morts. Elle est remplie d'ombres du soir qui descendent lentement des montagnes et recouvrent les pentes et les troupeaux endormis, accrochés à leur flancs comme du duvet. Et dans la lumière nocturne émergent doucement, les unes après les autres, cimes et crêtes : décor de bout du monde.

La mort en Perse de Annemarie Schwarzenbach