samedi 20 novembre 2010

Le Souvenir de personne



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Un groupe de lycéens vient s'installer à quelques mètres de nous. Ils sont cinq et ont des airs de vacances. Ils ont remisé les manteaux de l'hiver, il y en a même qui arborent des lunettes de soleil. C'est vrai qu'il fait étonnamment chaud sous ce soleil et j'ai retiré mon pull depuis un moment... tu dois mourir de chaud enfermé dans le tien... Je m'apprête à t'en faire la réflexion, mais je me retiens.
Bien sûr que tu ne peux pas le retirer, ni même relever tes manches... Le pli de ton bras gauche vire au mauve sombre, tu ne peux même plus t'y piquer depuis quelques jours. C'était une petite tache au départ, mais qui lentement s'étend. Avec en son cœur un minuscule petit trou où brille une plus minuscule encore goutte de sang. Petite bille d'en vie. C'est par là que tu meurs et que tu vis, le point d'où partent les fils qui te déroulent le long des jours, t'enroulent et t'écorchent, les cartes de ton autopsie. Tu ne veux pas que je regarde, tu dis que c'est toi qui est en train de pourrir, que ce n'est pas la peine d'être deux à voir ça...
Oh ! Il faudra que je te dise un jour. Te dise que la beauté est au premier qui passe, qu'on s'en fou, que le reste s'apprivoise. Que c'est à tes failles que je m'attache, que je m'encorde. Que les jolis vernis se décolorent bien vite. Que c'est aux déformation de ses veines que l'on reconnait l'essence de l'arbre...


"Le Souvenir de personne" de Cécile Fargue