Crédit photo : Philippe Fenouillet
Nous
sommes partis le matin de bonne heure car nous voulions faire une
halte à Noravank et la route est longue pour arriver à
Stepanakert : 330 km.
À
peine sortis de la capitale, la réalité nous a rattrapés de plein
fouet.
Cette réalité s’appelle Pauvreté et
Misère.
Nous avons croisé de petits villages de
paysans, les hommes étaient habillés comme sur les vieilles photos
du début du XXe siècle et accompagnaient leurs vaches aux champs,
les femmes étaient vêtues de grandes jupes longues noires avec des
fichus sur la tête, les enfants couraient au bord de la route
surpris de voir un convoi de quatre grosses voitures noires, des
chiens courraient derrière eux.
C’est
à ce moment là que j’ai compris que j’étais en Arménie, la
vraie, la mienne, du moins celle de ma grand-mère.
Toutes
les images que j’avais dans la tête, après les récits qu’elle
me contait le soir quand j’étais seule avec elle, se trouvaient
devant moi. Le paysage très aride, une végétation très maigre,
des petits arbustes brulés par le soleil, des champs jaunis par le
soleil à perte de vue entourés de montagnes ocre, rocailleuses mais
le summum pour moi a été de retrouver la tenue vestimentaire de mon
arrière-grand-mère toujours de noir vêtue.
Un grand sentiment de tristesse, de mélancolie,
de vide, m’a envahie. Nous ne nous parlions plus dans la voiture,
nous venions de faire, en fait, un bond dans le passé, et pourtant
ce passé que nous avions vécu enfants qui s’était éteint avec
nos grands-parents, avait ressuscité et se dressait là devant nos
yeux.
C’est cette Arménie là que j’ai le plus
aimée.