vendredi 23 avril 2010

Retour à Tipasa, 1952



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Quelque chose pourtant, pendant toutes ces années, me manquait obscurément. Quand une fois on a eu la chance d'aimer fortement, la vie se passe à chercher de nouveau cette ardeur et cette lumière. Le renoncement à la beauté et au bonheur sensuel qui lui est attaché, le service exclusif du malheur, demande une grandeur qui me manque. Mais, après tout, rien n'est vrai qui force à exclure. La beauté isolée finit par grimacer, la justice solitaire finit par opprimer. Qui veut servir l'une à l'exclusion de l'autre ne sert personne ni lui-même, et, finalement, sert deux fois l'injustice. Un jour vient où, à force de raisonnement, plus rien n'émerveille, tout est connu, la vie se passe à recommencer. C'est le temps de l'exil, de la vie sèche, des âmes mortes. Pour revivre, il faut une grâce, l'oubli de soi ou une patrie. Certains matins, au détour d'une rue, une délicieuse rosée tombe sur le cœur puis s'évapore. Mais la fraîcheur demeure encore et c'est elle, toujours, que le cœur exige. Il me fallait partir à nouveau.

"Retour à Tipasa" d'Albert Camus

mardi 6 avril 2010

Pourvu qu'Arthur ait raison



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Par la fenêtre ouverte, Ethel aperçoit au loin cette forêt de Chartreuse, dont l’austère profondeur l’effrayait autrefois, ce lieu qu’elle percevait, enfant, chargé d’un mystère à la fois envoûtant et potentiellement dangereux, ce cadre tout particulier où la lumière du soleil ne parvient, souvent, qu’à poudrer d’or un seul point, laissant en noir et blanc tout le reste…

Cette forêt, où, lorsqu’un père y entraînait ses filles, la plus jeune, dans une attente fébrilement craintive, plus encore qu’elle redoutait voir surgir un loup, espérait voir apparaitre un renard ! Pas n’importe quel renard… Pas un renard enragé que les hommes se seraient empressés de tuer mais celui du petit prince de Saint-Exupéry pour que, juste un instant, le sous-bois au cœur duquel elle était devienne une rose à écouter « se plaindre, se vanter ou même se taire ».


"Pourvu qu'Arthur ait raison" de Martine Galiano