mercredi 22 avril 2009

Les Comminges autrefois



Ce soir là, on avait décidé de s'amuser. Toutes les femmes étaient assises devant le feu, les hommes regroupés entre eux les regardaient tandis qu'elles jouaient à l'escalirò. La première, d'un certain âge, saisit un tison dans le feu et, le tenant droit devant elle, dit très vite "Escalirò je te vendrai. Combien en aurai-je ? Cent mille. Si tu meurs entre mes mains, je serai chargée". Puis, promptement elle donna le bâton rougi à sa voisine qui s'empressa de l'imiter. La braise passa ainsi de main en main de plus en plus rapidement et les mêmes mots étaient prononcés à toute vitesse car il fallait en finir avant qu'elle ne s'éteignît. Marie-Louise faillit se faire prendre mais prestement elle se débarrassa du brandon juste à temps et c'est sa jeune voisine qui, toute penaude, se retrouva avec le bout de bois éteint. Les joueuses riaient de bon coeur car elle devenait "l'âne" qu'on allait "charger". Et le rire de Marie-Louise, sonore et brutal, dominait tous les autres. Surprenant chez une fille plutôt timide et d'apparence fragile, il charma Baptiste que l'étrange attirait irrésistiblement.

"La pierre de Rose" de Nicole Yrle


lundi 13 avril 2009

Longue marche printemps-été 1999





« On a pu constater, chez les pèlerins en particulier, que lorsque la moyenne de trente kilomètres par jour est atteinte, l'entrainement physique neutralise la perception du corps. Dans presque toutes les religions, la tradition du pèlerinage a pour objet essentiel, à travers le travail de l'être physique, d'élever l'âme: les pieds sur le sol, mais la tête près de Dieu. d'où l'aspect intellectuel de la marche que les béotiens ne soupçonnent pas....
Le voyage à pied, solitaire, place l'homme face à lui-même, le libère de la contrainte du corps, de l'environnement habituel qui le maintiennent dans une forme de pensée convenue, convenable et conditionnée. Les pèlerins se considèrent presque toujours changés après une longue marche. C'est qu'ils y ont rencontré une part d'eux-mêmes qu'ils n'auraient sans doute jamais découverte sans ce long face-à-face. »


Longue marche de Bernard Ollivier